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GALERIE

Le Bipoète

 

Je suis à la fois cause et clé de mes problèmes

Et mon pire ennemi n’est autre que moi même.

Bipolaire et schizo : un foutu diagnostic

Ou comment accepter ses troubles psychiatriques?

 

Très long est le chemin du rétablissement,

Il ne faut rien lâcher pour aller de l’avant

Car il suffit de peu pour rompre l’équilibre:

Le bipo funambule aimerait être libre

Mais il doit se contraindre et prendre ses medocs

Très régulièrement pour encaisser les chocs.

 

Pour pouvoir se sortir de ce cycle infernal:

Arrêt du traitement, retour à l’hôpital;

Apprendre à se soigner semble fondamental.

.

Que de temps ai-je mis pour accepter le mal,

Briser l’isolement, me refaire un moral

Et conjuguer ma vie avec mon idéal!

 

Tombé en psychiatrie tout juste adolescent,

Un orage soudain dans un ciel innocent,

Ou comment imager la première des crises,

Délirante bouffée, viol de matière grise?

Un jeune lycéen dans un accès maniaque

Vient de tuer son ami, folie paranoiaque.

Si Dieu l’avait voulu j’aurais bien pu le faire

Et terminer ma vie rubrique faits divers.

Mais bien heureusement, il en fut autrement

Et ce fut l’hôpital, ce fut l’enfermement.

 

Il a fallu deux mois pour quitter ce délire:

Traversée de l’enfer, véritable martyre.

Enfermé dans sa tête et privé de raison,

La prison du mental est la pire prison.

La communication y est presque impossible,

Cauchemar éveillé, solitude terrible.

Les menaçantes voix détruisent ma logique:

Je m’invente une histoire, effrayante chronique

Où je suis sur la Terre un monstre abominable,

L’homme à éliminer, le dernier des minables.

 

Par bonheur, la chimie et l’amour famillial

Parvinrent à enrayer l’infernale spirale.

Si bien que très vite je repris mes études,

Retrouvai au lycée mes vieilles habitudes.

 

Mais prendre un traitement n’est pas sans conséquences,

C’est un prix à payer d’une grande importance

Car tu dois supporter les effets secondaires

De ces médicaments qui te gardent sur Terre.

 

Deuxième effet Kiss Cool, affronter la rumeur

car la folie fait fuir et la folie fait peur.

A jamais désomais je porte l’étiquette

Du malade mental à mettre aux oubliettes.

Nombreux sont les amis qui te tournent le dos:

Tu n’es dans leurs esprits qu’un dangereux schizo.

Et alors tu te caches espérant que l’oubli

Efface les traces d’un moment de folie.

 

J’arrêtais les médocs au bout d’un an d’effort,

Réussissait mon bac et reprenait le sport,

Une seule obsession: redevenir normal.

Conjuguer au passé le sinistre hôpital.

 

Je me tournai alors vers les mathématiques

Et le professorat une voie très classique.

Je voulais par ce choix prouver à mes parents

Que je pouvais avoir un métier rassurant.

Sans passion, je parvins à ce triste objectif

Oubliant le théâtre et ses superlatifs.

 

En effet, en secret, je chérissais ce but,

Devenir comédien, vivre sans parachute.

Sous les feux de la rampe on se sent exister,

Dégagé du mal être enfin en liberté.

Là mon grain de folie augmente ma présence,

Ma singularité : un atout, une chance.

Dans la vie ordinaire on se sent engoncé

Ce qui sort de la norme est à éliminer.

La comédie sociale est pour moi un enfer,

La scène de théâtre un paradis sur Terre.

 

Et lorsque je choisis enfin la comédie

Je ne comprenais pas que basculait ma vie,

Car sans sécurité mon psychisme fragile

Fut vite confronté à des temps difficiles.

Inéluctablement il y eut des rechutes,

Et ce fut un combat et ce fut une lutte.

Toujours identique le schéma se répète

Ma maladie je nie, le traitement j'arrête.

Très insidieusement le délire s'installe

Et je dois repasser par la case hôpital.

 

Jusqu’au jour épuisé je finis par admettre,

A la réalité il faut bien se soumettre.

Bien conscient aujourd’hui de mes troubles psychiques,

Je ne peux me passer de mes neuroleptiques,

Pour de longues années peut-être même à vie.

Je n’ai pas d’autres choix qu’accepter la chimie.

 

Mais il y a des mais qui se nomment écriture,

Partage et confession, scène et littérature;

Autant de mais heureux qui sont mes vrais psychiatres,

Mes chemins vers autrui, en un mot le théâtre.

Je me prends à rêver et je me dis et si,

Si je réussissais à enchanter ma vie.

 

En apothéose, je conclus ce poème

Par des remerciements aux deux Véro que j’aime,

Au phare des deux pôles, association lumière,

Sans laquelle jamais rien n’aurait pu se faire,

Car si je n’avais pu rencontrer mes semblables,

Ma pièce aurait été simplement impensable.

 

Complainte du Bipo: j’affiche ma folie

Je brise le tabou, vive la comédie!

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